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Le déménagement du parent qui a la résidence habituelle de l’enfant… 10 ans plus tard

Dix ans après la parution de mon précédent article "Le déménagement du parent qui a la résidence habituelle de l’enfant" sur ce site, et suite à tant de questions bien légitimes et si nombreuses, il apparaît important de faire un point sur la jurisprudence actuelle, celle-ci faisant plus que jamais la part belle à la coparentalité, et au maintien de l’enfant dans son cadre de vie habituel.

déménagement du parent qui a la résidence habituelle de l’enfant

Avant toute chose, Il est important de noter que la pratique de la résidence alternée a pris une ampleur considérable depuis 2010, de nombreuses juridictions la prononçant par principe, en cas de désaccord des parties, dès lors que les conditions de mise en œuvre objectives sont réunies, et ainsi principalement la proximité des domiciles parentaux de l’école, et l’âge de l’enfant (il est en effet le plus souvent considéré que vers 6 ans l’enfant a acquis des repères temporels suffisamment développés pour se projeter d’une semaine à l’autre, et ainsi s’épanouir avec ce mode de résidence).

Si la problématique du déménagement du parent chez lequel la résidence de l’enfant est fixée reste sensiblement la même que celle déjà exposée, il est à noter que les juges hésitent de moins en moins, en de telles hypothèses et au nom du maintien de l’enfant dans son cadre de vie, à confier la résidence de l’enfant à celui des parents qui "reste sur place" et ainsi en pratique aux pères (pour peu qu’ils puissent démontrer des conditions d’hébergement et de d’attention satisfaisants) rendant les projets de déménagement des mères de plus en plus difficiles.

La jurisprudence estime ainsi que celui qui s'éloigne en faisant obstacle à la poursuite de l'exercice régulier du droit de visite et d'hébergement de l'autre parent, (Paris, 14 janv. 2016, n°14/02763) doit alors supporter les conséquences de son choix de vie (Paris, 10 sept. 2015, n°14/19555).

C’est ainsi que j’ai pu, en 2013 pour l’un de mes clients résidant en région parisienne, et bénéficiant d’un droit de visite et d’hébergement classique sur ses deux fillettes de 4 et 5 ans, empêcher le déménagement de la mère à plusieurs centaines de kilomètres, le magistrat ayant alors estimé que ce déménagement, motivé par de seules opportunités professionnelles, compromettait durablement l’éventuelle mise en place d’une résidence alternée, une fois les fillettes devenues plus âgées.

La mère avait le choix de partir, la résidence des enfants étant alors fixée au domicile paternel, ou de rester à proximité du domicile du père, avec des modalités d’exercice de l’autorité parentale inchangées.

La mère a renoncé à son projet de déménagement et la résidence alternée des deux enfants a ainsi été mise en place sur demande du père deux ans plus tard.

Ces projets de déménagement sont d’autant plus mis à mal que le ou les enfants résident de manière alternée au domicile de chacun des deux parents, hypothèse de plus en plus répandue.

De là à dire que la résidence alternée est une véritable garantie réciproque contre l’éloignement géographique, il n’y a qu’un pas… que je franchis allègrement.

Ainsi, un père très investi dans le quotidien de son petit garçon de 6 ans est venu me consulter suite à une séparation, aux fins que je rédige, avec ma consœur, conseil de la mère, un pacte de famille officialisant la mise en place d’une résidence alternée de l’enfant commun.

Bien que la mise en place de cette résidence alternée n’ait pas été source de conflit majeur entre les parents, ce père estimait primordial de la voir actée (si l’officialisation d’une résidence alternée par l’homologation judiciaire d’un pacte de famille n’est pas indispensable, chacun des parents pouvant toujours démontrer au juge la réalité de la pratique parentale passée, cela évite malgré tout un gros travail probatoire dans le cadre d’une procédure d’urgence où il y a tant à faire par ailleurs).

Grand bien lui en a pris lorsque la mère, près d’un an et demi plus tard, devait émettre le souhait de partir du bout du monde, avec l’enfant, aux fins de suivre son nouveau compagnon, en expatriation.

Dans le cadre d’une procédure d’urgence initiée au soutien des intérêts du père, (la mère ayant, soit dit au passage, pris le soin de l’en avertir en dernier, ce qui n’est jamais très heureux), la Juridiction saisie a été très claire : l’intérêt de l’enfant passe, à son jeune âge, par le maintien de son cadre de vie et ainsi la possibilité de garder des liens étroits avec chacun de ses deux parents.

En conséquence, si la mère choisissait de partir, elle partirait seule, et en cas contraire, la résidence alternée serait maintenue.

La mère a finalement renoncé à son projet de déménagement.

Cette décision s’inscrit dans la droite lignée de la jurisprudence en vigueur, et ainsi :

  • Les enfants ne doivent pas être soumis aux aléas des projets personnels du parent chez qui ils résident (Nancy, 2 nov. 2015, n°14/02477 et n°15/02202), et a fortiori encore moins à ceux du nouveau conjoint de l’un des parents,
  • La séparation d’une fratrie n’est pas en elle-même contraire à l'intérêt des enfants, dès lors qu’ils n'ont pas les mêmes centres d'intérêts (Versailles 2ème Chambre 2ème Section 29 janvier 2015), quand bien même la mère avait plaidé qu’il n’était pas possible de séparer ses enfants, issus d’unions différentes, ceux-ci ayant un écart d’âge significatif.

Ce faisant, à l’heure où les non représentations d’enfants sont nombreuses et où de plus en plus de parents ne parviennent pas à conserver un lien de qualité avec leur enfant après leur séparation, la jurisprudence se montre très attentive au maintien des liens que chaque parent a construit avec son enfant.

Encore faut-il être vigilant sur les conséquences futures des choix faits lors d’une séparation et ne pas attendre pour consulter un avocat.

Dossier réalisé par :
Maître Laurence SAMSON FRANCOIS
Avocat au Barreau de Paris
27 Avenue de la Grande Armée - 75116 PARIS
laurence-samson.avocat_AT_orange.fr (remplacer _AT_ par @)

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