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Nationalité des époux et incidences sur le divorce

Le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui a engendré des unions transfrontalières et beaucoup de couples sont alors de nationalités différentes. D’autres couples, bien que de même nationalité, se sont expatriés hors de France pour des raisons personnelles ou professionnelles. Cet élément d’extranéité aura nécessairement des conséquences lors de la séparation du couple : Où divorcer, devant quel juge ? Dans le pays d’origine ? Dans le pays d’accueil ? Quelle est la loi applicable ? Quelle est la loi la plus avantageuse pour l’un ou l’autre des époux ? Voici quelques explications sur les règles juridiques en vigueur :

Quel est le tribunal territorialement compétent en cas de divorce ?

En dehors des situations où le droit communautaire est applicable, l’article 1070 du Code de procédure civile reste seul applicable pour déterminer la compétence territoriale interne en matière de divorce. Cette disposition prévoit trois catégories de compétences classifiées :

  • La résidence de la famille,
  • A défaut, la résidence de l’époux qui a la charge des enfants mineurs,
  • A défaut, la résidence de l’époux qui n’a pas pris l’initiative du divorce.

Si les époux de nationalité étrangère répondent à l’un de ces critères, alors les juridictions françaises pourront se déclarer compétentes.

En cas de demande conjointe, le juge compétent est, selon le choix des époux, celui du lieu où réside l’un ou l’autre.

La compétence territoriale est déterminée par le lieu de résidence au jour où la requête initiale est présentée.

Par ailleurs, la compétence des tribunaux français peut être fondée sur la nationalité française du demandeur, même s’il n’est pas domicilié en France (article 14 du Code civil français).

Si vous résidez en France, que vous êtes de nationalité française et que votre époux est étranger :

La demande de divorce peut être déposée par vous ou par votre conjoint devant le tribunal dont dépend votre résidence. Le tribunal français se déclarera compétent au motif que l’un de vous deux est français. Le divorce sera alors régi par la loi française.

Si vous vivez en France et que vous êtes tous deux de nationalité étrangère :

Il est tout à fait possible de demander le divorce au tribunal français.

Le juge français déterminera alors sa compétence par application de la règle de conflit de lois. Cette étape est nécessaire puisqu’il y a un élément d’extranéité : la nationalité étrangère des époux.

accords européens sur le divorce

Si les époux sont ressortissants de l’Union Européenne ou résident dans un Etat membre, le juge aux affaires familiales devra se référer au Règlement n°2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale.

Ce règlement dit "Bruxelles II bis", qui est applicable à tous les Etats de l’Union européenne à l’exception du Danemark, permet de désigner l’Etat dont les juridictions sont compétentes à la lumière de différents critères.

Concernant plus précisément les procédures de divorce, l’article 3 du règlement Bruxelles II bis énonce huit critères alternatifs permettant de déterminer quel Etat membre est compétent.

Sont compétentes les juridictions de l’Etat sur le territoire duquel se trouve :

  • La résidence habituelle des époux
  • La dernière résidence habituelle dans la mesure où l’un d’eux y réside encore
  • La résidence habituelle du défendeur
  • En cas de demande conjointe, la résidence de l’un ou l’autre des époux
  • La résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé au moins une année avant l’instance
  • La résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé 6 mois et est ressortissant de cet Etat membre.

Dans l’hypothèse où les époux ne résideraient pas au sein de l’Union européenne ou ne souhaiteraient pas saisir le tribunal territorialement compétent, le Règlement Bruxelles II bis prévoit également la compétence de la juridiction "de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, du «domicile» commun."

Toutefois, si l’article 3 ne désigne les juridictions d’aucun Etat de l’Union européenne, alors, par application de l’article 7 du règlement Bruxelles II bis, le tribunal français saisi pourra appliquer l’article 1070 du Code de procédure civile.

Si chacun des époux saisit un juge différent, celui saisit en second devra se dessaisir au profit du premier.

Lorsque le tribunal français se déclare compétent, il instruit votre dossier et décide, en fonction de votre situation, de la loi applicable à votre divorce.

Quelle est la loi applicable au divorce ?

Depuis le 21 juin 2012, le Règlement n° 1259/2010 du 20 décembre 2010, dit "Règlement Rome III", est en vigueur au sein de 15 Etats membres de l’Union européenne (notamment la France mais pas le Royaume-Uni).

L’intérêt de ce règlement est de mettre en place une règle de conflit de lois uniforme pour les 15 Etats parties. Ainsi, quelle que soit la juridiction compétente, la loi applicable au divorce sera la même.

Cette coopération renforcée permet de minimiser le "forum shopping", pratique qui consiste à saisir la juridiction qui aura la loi la plus favorable, notamment en termes de calcul de la prestation compensatoire.

L’article 8 du Règlement Rome III dresse une liste de facteurs de rattachement, mais une faculté de dérogation volontaire est prévue à l’article 5. En effet, les parties pourront choisir la loi qui sera applicable à leur divorce.

La primauté donnée au choix des parties

Le Règlement Rome III reprend le principe de la liberté contractuelle et permet aux époux de choisir dans une certaine mesure la loi qui sera applicable à leur divorce.

Ce choix peut être mentionné dans le contrat de mariage mais peut aussi être manifesté a posteriori, avant la saisie du juge. L’article 5 du règlement Rome III précise que les époux peuvent également désigner la loi applicable en cours de procédure si c’est prévu par la législation qui s’applique au juge.

Les époux peuvent choisir que la loi applicable à leur divorce soit :

  • La loi de l’Etat de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention ;
  • La loi de l’Etat de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que l’un d’eux y réside encore au moment de la conclusion de la convention ;
  • La loi de l’Etat de la nationalité de l’un des époux au moment de la conclusion de la convention ;
  • La loi du for, c’est-à-dire la loi applicable dans le pays où se trouve le tribunal saisi du divorce. Ainsi, si les époux saisissent les juridictions françaises, ils pourront choisir que la loi française s’applique au divorce même s’ils n’ont aucun autre lien de rattachement.

Le choix des époux doit toutefois respecter certaines exigences de forme afin que le juge puisse être assuré de leur consentement. L’article 7§1 du Règlement Rome III demande que le choix des époux soit formulé par écrit, daté et signé.

Cette possibilité offerte aux époux leur permettra de choisir une loi sans lien avec leur situation actuelle mais pourrait leur être avantageuse ou plus équitable si séparation il y a.

Par exemple, un couple italo-belge qui s’est marié en France où il réside peut choisir que leur divorce soit régi soit par la loi italienne, soit par la loi belge, soit par la loi française. Si la loi choisie est la belge et que par la suite l’un des époux déménage à Malte et saisit le juge maltais afin que celui-ci se prononce sur le divorce, ce sera la loi belge qui sera appliquée.

Le choix fait par les époux n’est pas définitif. En effet, ils sont libres de la modifier à tout moment pendant le mariage, voire devant la juridiction saisie si celle-ci le permet.

La Règlement n’ayant été ratifié que par 15 Etats, si le litige est porté devant un Etat qui n’y est pas partie, il existe un risque que le choix des époux ne soit pas pris en considération.

Toutefois, si le juge français est saisi, il pourra dans tous les cas appliquer le Règlement Rome III, que les époux aient eux-mêmes désigné la loi applicable ou non. En effet, à défaut de choix d’autres critères s’appliquent, et si les époux n’ont aucun lien de rattachement avec la France, le juge pourra toujours appliquer sa loi.

A défaut de choix des parties

Dans l’hypothèse où le couple évolue dans une dimension internationale mais n’a pas choisi la loi applicable à leur divorce, l’article 8 du Règlement Rome III dispose que le divorce sera soumis à la loi de l’Etat :

  • "de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,
  • de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet État au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,
  • de la nationalité des deux époux au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,
  • dont la juridiction est saisie."

Il ressort de cet article que les dispositions suivent une hiérarchie, c’est-à-dire que ce n’est qu’en l’absence d’un pays de résidence commune des époux que le juge appliquera la loi de l’Etat de la dernière résidence habituelle des époux, si celle-ci date de moins d’un an et qu’un des époux y réside encore.

Des chefs de compétence énumérés par l’article 8, on voit clairement que le lieu de résidence est devenu un facteur primordial de détermination de la loi applicable aux divorces.

Dossier réalisé par :
Maître Jennifer SMADJA - KBS Avocats
Avocat au Barreau de Paris
106 avenue Mozart - 75016 Paris
jsmadja_AT_kbs-avocats.fr (remplacer _AT_ par @)

Aller plus loin :
Voir l'ouvrage : "La rupture du mariage en droit comparé" de Frédérique Ferrand et Hugues Fulchiron

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