Xavier de Moulins, auteur de "Un coup à prendre"
Parent-Solo : Vous êtes journaliste, présentateur du JT de M6, et vous venez de publier votre premier roman "Un coup à prendre" : je ne résiste pas à l'envie de vous demander si ce roman si bien "documenté" est autobiographique ?
J’ai été père célibataire... Et j’ai du réapprendre beaucoup de choses pour ne pas dire tout réapprendre. Puis c’est devenu une idée de roman, et enfin ce livre. Il part de mon expérience mais reste un roman avec un héros un peu effrayant mais attachant et touchant qui va, comme beaucoup, apprendre à devenir père après sa séparation.
P.S. : Pourquoi le "père célibataire" culpabilise-t-il autant lorsqu'il se retrouve chez le médecin ou devant l'institutrice ? Serait-ce cet entourage avec son œil suspicieux qui empêcherait les papas solos d'exister autant que les mamans solos ?
Les papas solos, ont sont souvent la pression, et la peur de mal faire, … du coup certains deviennent un peu parano et se sentent regardés comme le personnage de mon livre, comme des bêtes de foire… Est ce toujours justifié ? Ca dépend, naturellement…
P.S. : "Le fils ainé de la famille, l'ado attardé"... "Faibles, lâches, et complètement paumés sans leur moitié qui, en plus de leur acheter leurs caleçons et de choisir la couleur de leurs chaussettes, ne les respectait plus guère" : Antoine, dans le roman, est un "prototype de l'homme marié" un peu caricatural, non ?
Il s’agit du point de vue d’Antoine, le héros du livre qui, heureusement, va évoluer au contact de ses filles ; ses jugements vont s’affiner…Parfois il caricature et met dans le mille, parfois il se plante…. Mais dans tous les cas, son jugement est exagéré par sa souffrance qu’il tente d’apaiser.
P.S. : Pensez-vous vraiment que beaucoup d'hommes deviennent pères sans la "moindre idée de ce qu'impliquait l'entreprise de fabriquer un enfant et de vivre une vie de famille" ?
Beaucoup, je ne sais pas… Certains, j’en suis sûr… Il y a encore des hommes qui deviennent père sans se rendre compte que cela va leur demander de devenir enfin RESPONSABLE. Et des femmes aussi. Devenir parent est un parcours initiatique ! Et un sport de combat !
P.S. : Beaucoup de couples qui se séparent sont, à un moment, "triste d'avoir tout gâché". Il est souvent trop tard pour faire machine arrière ?
Au delà de certaines limites, le ticket n’est plus valable… C’est dur quand l’un des deux aimerait faire marche arrière alors que l’autre est déjà loin. C’est peut être ça la solitude.
P.S. : Vous parlez de vos "frères" au parc, ces "pères célibataires qui trainent sur des bancs le regard vide et mort en surveillant de loin leurs enfants chéris" : certains pères vont s'élever contre vous, ne s'estimant pas déprimés mais plutôt heureux ! Ne croyez-vous pas ?!
Non, je ne pense pas que certains pères vont s’élever contre moi… Parce que s’ils sont heureux d’aller au parc, ils ont peut être un jour ressenti ce qu’éprouve mon personnage, à savoir la peur, la première fois qu’il se retrouve seul au parc avec ses deux filles : en plein vertige !!!!
P.S. : "Si c'est facile de rompre, c'est beaucoup plus dur de se séparer" : une phrase qui mérite quelques explications ?
C’est une de mes phrases préférées merci de l’avoir notée… Rompre, c’est se dire : c’est fini. Se séparer, c’est l’accepter. Entre les deux, il y a un chemin, qui peut, entre deux personnes, prendre une vie entière.
P.S. : Antoine se reproche d'être pour ses filles "une moitié de mauvais père" qui a toujours fait un choix entre elles et leur mère. Pensez-vous que les pères sont autant négatifs ?
Est-il si négatif que ça ? Antoine se remet en question et n’est pas tendre avec lui même, c’est ce qui le rend touchant et émouvant. Quand il s’interroge sur ses qualités de père, il ne parle pas des autres pères, il a suffisamment à faire avec lui !
P.S. : "Les hommes qui partent reviennent toujours dormir sur le paillasson, car ils conduisent en regardant la vie dans le rétro ; les femmes qui s'en vont passent la seconde, puis le mur du son" : est-ce un constat généralisable ?
J’ai croisé beaucoup d’hommes qui n’ont pas pris le temps de soigner leur chagrin et qui, avec le temps, ont vu gonfler leur regret d’avoir tout gâché. J’imagine que c’est arrivé aussi à des femmes. Je trouve les femmes plus fortes que nous dans la séparation.
P.S. : Vous écrivez : "Bien sûr je n'avais plus d'amis. A la minute où j'ai quitté Alice, ils l'ont suivie". Avec la séparation, le réseau amical et social vole en éclat. Antoine aurait-il apprécié de découvrir notre site www.parent-solo.fr pour échanger avec d'autres pères et mères seuls sur ses problèmes, ou pour participer à des sorties ?!
Il aurait dû y aller !!! C’est un outil merveilleux et une aide précieuse !!!!! Cela lui aurait sans doute évité de basculer dans la folie. Car ce qu’il y a de pire dans une séparation c’est le sentiment de solitude. Or, il ne faut pas en douter. On n'est jamais complètement seul dans la vie. Heureusement. Nous avons besoin des autres pour cultiver l’espérance et la joie.
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