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Claire Brisset et Gérard Poussin, livre d'entretiens "Pour ou contre la garde alternée ?"

Dolto - Brisset - PoussinClaire Brisset, Défenseure des enfants de 2000 à 2006, Catherine Dolto-Tolitch, médecin haptothérapeute et fille de Françoise Dolto, Gérard Poussin, psycholoque et psychothérapeute, vous participez tous trois à un livre d'entretiens "Pour ou contre la garde alternée ?" (Editions Mordicus), sorti le 8 avril 2010 : sur ce sujet polémique, vous semble-t-il, avant tout, que le mot "garde" soit le plus adapté* ?

Claire Brisset : Non, bien sûr. On ne "garde" pas les enfants. D’ailleurs la loi ne reconnait pas ce terme, elle parle de "résidence alternée". L’expression garde alternée est passée dans la langue commune et c’est dommage.

Gérard Poussin : Je n’utilise jamais ce mot quand je parle, mais celui de "résidence" qui correspond d’ailleurs à la loi. Néanmoins je remarque que l’on me parle souvent de "garde alternée" et j’ai renoncé à préciser à chaque fois que ce terme n’était pas le bon. Je pense que ce "lapsus" est une manière de signifier ce qui survit dans l’esprit de beaucoup de gens : l’idée que celui qui a la résidence principale "garde" l’enfant. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai pensé que la résidence alternée pouvait être une solution dans certains cas.

P.S. : Finalement, il ressort de ce livre un certain consensus sur la résidence alternée : pas forcément adaptée aux tout petits, pas une seule forme de rythme d'alternance pour éviter à l'enfant des problèmes d'identité et d'insécurité ?

Claire Brisset : Pour les petits, à savoir, par exemple, avant l’entrée à l’école primaire par exemple, une telle formule ne devrait, à mon sens, jamais être envisagée. Un enfant de moins de six ans ne peut pas comprendre pourquoi on lui impose une telle instabilité. Ce qui ne veut pas dire, loin de là, que cette formule soit idéale au-delà de cet âge…

Gérard Poussin : Je pense en effet que la résidence alternée ne peut pas être un "prêt-à-porter" et qu’elle doit s’adapter aux rythmes biologiques de l’enfant, à son âge et à l’état de sa relation avec chaque parent. Ce n’est pas à l’enfant de s’adapter à la résidence alternée mais l’inverse.

P.S. : Au cœur de tout cela, "L'intérêt de l'enfant", est-il réellement pris en compte ? Son intérêt n'est pas forcément celui des parents, sait-on - et en a-t-on les moyens - l'écouter et le prendre en compte au cas par cas ?

Claire Brisset : Je pense que ce qui gouverne ici, c’est avant tout l’intérêt des adultes, tel qu’ils le conçoivent à un moment de leur vie, moment difficile de séparation et souvent de conflit. Remettons l’enfant au cœur de la réflexion sur ce sujet.

Gérard Poussin : Je suis prêt à proposer le Nobel pour celui qui définira clairement "l’intérêt de l’enfant". Si l’intérêt de l’enfant ne coïncide pas forcément avec celui de ses parents on ne peut pas non plus accuser les parents qui ne veulent pas se trouver séparés de leur enfant de ne pas penser à son intérêt sous prétexte que cette séparation les fait souffrir, et qu’ils expriment cette souffrance. Ensuite parler de "l’écoute" de l’enfant comme si celui-ci était un être indépendant de toute influence, comme s’il était un être autonome et totalement libre de ses choix, est au mieux de la naïveté et au pire de la mauvaise foi.

P.S. : Vous partagez également les "clés" d'une résidence alternée réussie : proximité spatiale des parents séparés, communication et absence de relation conflictuelle entre eux. Est-ce si simple ?

Claire Brisset : Bien sûr que non. Lorsque les adultes se séparent, c’est sur un constat d’échec d’une relation de couple, même s’ils font ce qu’il faut pour dédramatiser la séparation. Les conditions de la réussite d’une telle formule sont donc très difficiles à réunir. J’ajoute aussi qu’il y faut des moyens financiers qui ne sont pas nécessairement disponibles.

Gérard Poussin : Rien n’est simple dans le domaine de la psychologie. Ce ne sont pas des "clés" que nous partageons, mais le fait qu’il existe des règles à partir desquelles on peut estimer qu’il sera difficile de construire quelque chose de bénéfique pour l’enfant si elles ne sont pas respectées. Ces règles sont nécessaires mais elles ne sont pas suffisantes dans la plupart des cas.

P.S. : Les députés Richard Mallié et Jean-Pierre Decool ont présenté une proposition de loi visant à privilégier la médiation familiale et la résidence alternée pour l'enfant dès lors que l'un au moins des deux parents la demande sur la base de critères matériels, géographique et moral : qu'en pensez-vous ?

Claire Brisset : Rechercher la médiation dans les conflits me paraît évidemment une bonne idée. Mais peut-on imposer une médiation alors même que l’un des deux parents se refuse, par exemple, à l’idée même de séparation, qu’il la vit comme un abandon, comme la conséquence d’un manquement à la parole donnée, par exemple ? C’est souvent le cas. Il me semble que, pour que la résidence alternée se passe correctement, il est impératif que les deux parents la souhaitent. Si l’un des deux la ressent comme imposée, la formule me semble vouée à l’échec dès le départ.

Gérard Poussin : Je suis favorable au maintien de la loi de 2002 car je sais comment les choses se passaient avant : quand la résidence alternée était une forme d’illégalité. Pour le reste il faudrait se donner les moyens de réagir dans un certain nombre de séparations où les enfants sont utilisés comme des otages par certains parents. On en est très loin et la résidence alternée n’est ni la solution miracle ni le problème principal.

P.S. : Sur le forum de notre site www.parent-solo.fr, nous constatons aussi une hostilité "en toute bonne foi" des propos relatifs à la garde des enfants : voyez-vous ces lieux "virtuels" de débats - et de défoulement quelquefois - comme positifs malgré tout ?

Claire Brisset : Il est toujours utile de débattre d’un sujet aussi difficile. Mais il me paraît tout aussi important de tenter d’écarter la passion de ce type de débat. Je ne sais pas si c’est possible…

Gérard Poussin : J’ai regardé une fois ce qui s’écrivait sur certains forums. Le "défoulement" devrait avoir des limites. J’ai reçu des courriers cherchant à me culpabiliser parce que ma position ne plaît pas à un certain nombre de personnes. Mme Phelip, dont je ne partage pas les idées, m’a expliqué qu’elle avait reçu des lettres d’insultes. Je prends son exemple parce que nous avons d’importants désaccords et pourtant je pense qu’elle est honnête et ne mérite pas cela.

* Pour information, l'un de nos membres avait écrit un article sur ce sujet, "Garde de l'enfant, utilisation erronnée".

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