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Moins d’effet Tanguy, mais plutôt un effet Tarzan, à la suite d'un divorce ou d'un licenciement

Tanguy d'Etienne Chatillez

Le film « Tanguy » d’Etienne Chatillez, diffusé ce dimanche 30 novembre sur TF1 a marqué son époque, mais ne peux plus témoigner, sept ans après, de la société actuelle. En effet, contrairement aux idées reçues, les enfants partent plus jeunes de la maison qu’il y a quelques années et l’autonomie est devenue la règle. Cependant, la phrase de la mère de Tanguy « « Tu es tellement mignon, si tu veux tu pourras rester à la maison toute ta vie ! » pourrait très bien transformer Tanguy en Tarzan. En effet, bien que quittant le domicile familial bien avant 28 ans, il pourrait y revenir après 35 ans, sous l’effet d’une recohabitation, après un divorce ou un licenciement par exemple. Explications du sociologue Eric Donfu.

Et si le logement familial était la liane à laquelle se raccrocher en cas de pépin dans la vie ? Et si être SDF, aujourd’hui, signifiait surtout être « Sans Domicile Familial » ? Dans l’histoire et dans le monde, le logement a toujours été une affaire de famille. Aujourd’hui, les jeunes ont du mal à se loger, les enfants – surtout les fils – restent plus longtemps à la maison, et les filles y retournent davantage en cas de crise conjugale, et pourtant… Loin de « l’effet Tanguy »c es dernières années confirment l’indépendance croissante des jeunes. En 2007, 16,8 % des jeunes de 25 à 29 ans vivaient chez leurs parents, contre 18,1% en 2003. (Source enquête emploi de l’INSEE du 1er au 4e trimestre 2007). Dans cette même étude, on relève que 64,5% des jeunes de 20 à 29 ans ne vivent plus chez leurs parents, soit 1,6 % de plus en quatre ans. En fait, alors que les difficultés s’accumulent pour les jeunes actifs, au point que 17% sont sous le seuil de pauvreté contre 13% pour l’ensemble de la population (INSEE 2005), l’autonomie est devenue une valeur centrale, même au prix fort. Ainsi, 29% vivent dans des logements trop petits contre 16% pour l’ensemble de la population. (INSEE 2005) Leurs parents ont la même volonté d’autonomie. Le total de ceux qui souhaitent vivre avec leurs enfants chez eux ou dans le même immeuble ne dépassait pas 2,5% en 1992 selon une étude de la CNAVTS (1992)

Moins d’Effet Tanguy, mais plutôt un effet Tarzan, à la suite d'un divorce ou d'un licenciement...

Chômage, précarité, découverts bancaires fréquents, retards de paiements, sur tous les plans, les jeunes cumulent les difficultés, à tout âge et même plus aisés. Mais ils ne renoncent pas à vivre et s’imposent moins de restrictions de consommation importante que leurs parents. Ils sont 26,6% à être en couple non mariés et 11,65% sont mariés. (INSEE 2007) S’il est vrai que les jeunes avec enfants s’en sortent moins bien que les couples sans enfants, ce sont d’abord les enfants seuls qui recohabitent quelques temps chez leurs parents, à la suite d’un divorce ou d’un licenciement. Les études nous démontrent aussi que ce sont d’abord ceux qui sont partis le plus tard du domicile familial, sont issus de familles peu nombreuses et de milieux populaires qui ont recours à ce filet de sécurité familial. Les Français sont de plus en plus propriétaires de leur logement principal, (56 % dont 35% sans emprunt en court en 2002 contre 53,8 % et 30,3% en 1992). Le logement, affaire de famille, est bien un patrimoine familial mais il reste révélateur des inégalités. En effet, les familles de cadres anticipent de plus en plus l’insertion des jeunes par l’achat d’un logement, alors que les familles défavorisées n’ont que l’assistance ponctuelle pour les aider, le plus souvent en les hébergeant. En fait, la crise rapproche les générations mais accroit les inégalités entre les familles.

Un nouveau poids va peser sur les solidarités familiales

Les nouvelles obligations des demandeurs d’emploi et la transformation du RMI en RSA se conjuguent maintenant avec une augmentation du chômage et même une baisse significative des offres d’intérim. J’ai parlé récemment d’un « impôt sur l’infortune » qui frapperait les populations fragiles. Le durcissement des conditions de crédits pour l’achat d’un logement ne devrait pas aider non plus leurs parents à les aider. Les difficultés à travailler et à se loger des familles monoparentales s’accroissent (1,76 million de familles sont composées d’enfants de moins de 25 ans et d’un parent, INSEE 2005). Elles sont dues aussi à leurs conditions de logement. En effet, seules 28% des mères de famille monoparentales sont propriétaires de leur logement, contre 63% des couples avec enfants. Elles ont des ressources plus faibles et résident le plus souvent en ville, avec des loyers chers. Leurs situations sont très différentes, mais on ne peut pas parler d’un retour chez leurs parents des jeunes isolés, parents ou non. Cependant, si l’Etat venait à rompre le filet social, si le nombre des exclus de l’assurance chômage et des prestations familiales venait à augmenter, alors, oui, nous verrions les solidarités familiales mises à l’épreuve. Car n’oublions pas que, quand les parents ont aussi des revenus modestes, ces difficultés s’accumulent. L’Etat ne peut pas compter sur le privé pour corriger les faiblesses sociales du public. L’un est dépendant de l’autre, et c’est bien l’Etat providence qui a renforcé les solidarités familiales.

Indépendance des jeunes, dépendances des plus âgés

Oui, à part le fils célibataire qui garde la maison familiale rurale, même la vieille fille urbaine préfère être chez elle que chez sa mère. Mais, de fait, il y a des situations qui imposent un « retour au bercail » Dès lors la question du logement principal révèle aussi ces nouvelles solidarités entre les générations, mises en lumière depuis une quinzaine d’années. Mais ce n’est pas si simple. On pourrait aujourd’hui se demander si l’indépendance des jeunes n’est pas à mettre dans la balance avec la dépendance des vieux… S’il est vrai que, souvent, leur logement a été acquis avec l’aide de leurs parents, et que le lien créé avec leurs parents et grands-parents remontent à leur enfance, les cohabitations des générations sont le plus souvent contraintes par les nécessités économiques. Elles sont effectivement mal vécues et sources de conflits entre générations. Il n’est pas rare de les voir déboucher sur le placement en institution de parents ou grands-parents très âgés. Il est donc extrêmement rare que les jeunes couples vivent par exemple avec la grand-mère, sauf s’ils n’ont pas les moyens d’avoir un logement indépendant Et comme l’exprime bien le livre d’Anna Cavalda « Ensemble c’est tout » c’est bien une nouvelle tendresse qui s’exprime en permettant à la grand-mère de retourner vivre chez elle…

Car on peut décidément être Jane ou Tarzan à tout âge, et quelle que soit sa place dans l’arbre… généalogique !

Eric DONFU, sociologue

30 novembre 2008

Auteur de Oh mamie boom (Jacob-Duvernet ,2007) et Ces jolies filles de mai, 68 la révolution des femmes (Jacob-Duvernet, 2008)

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