Une démarche singulière pour des parents singuliers par le sociologue Eric Donfu
Une dignité reprise
Venant de l’anglais « one parent family » ce terme a remplacé les expressions de "familles à risques" ou de "familles déviante", termes qui avait lui-même chassé du vocabulaire l'expression péjorative "filles-mères", que l’on ne confondait pas avec les veuves, et dont les enfants étaient qualifiés de « batards » , Les familles monoparentales ont conquis leur dignité. D’abord parce que, 1 million il y a vingt ans, elles seront bientôt deux millions, ensuite parce que l’image dynamique et active de la femme s’est imposée. A l'origine de cette évolution, des ruptures d'union beaucoup plus fréquentes alors qu'en 1962, 55% des parents à la tête d'une famille monoparentale étaient veufs (10% en 2005). Mais le fait que ces foyers monoparentaux soient présentés, et révélés, aujourd’hui comme fragiles constitue donc un recul. De plus, N'oublions pas non plus le non paiement des pensions alimentaires, les conflits nés de la difficulté de la garde « partagée » des enfants, ni le taux de dépression des femmes seules. Ces données confirment que, au cours des quarante dernières années, les femmes ont conquis l'égalité légale, mais n'ont toujours pas l'égalité réelle. Sans effacer pas le nouveau rôle des pères, plus impliqués dans l'éducation des enfants, ni la prédominance des sentiments dans le couple, il faut reconnaitre les faits. Ce sont elles qui ont des revenus inférieurs, un taux de chômage supérieur, assument l'essentiel des tâches ménagères, sont les premières victimes des violences, et sont les plus seules après une séparation.
Une vie quotidienne souvent difficile
Selon l’INSEE, Alors qu'une mère seule sur deux a un poste à temps complet, contre trois-quarts des pères seuls, les principales contraintes pesant sur ces familles concernent les difficultés de garde d'enfants et l'impossibilité de compter sur le revenu du conjoint pour subvenir aux besoins de la famille. Côté logement, les familles monoparentales subissent également des conditions plus difficiles et plus fragiles. Ainsi, 20% des mères célibataires habitent un logement où il manque une ou deux pièces et seulement 36% des mères de famille monoparentale vivent dans une maison, contre 68% des couples avec enfants. Seules 28% sont propriétaires de leur logement, contre 63% des couples avec
enfants. Selon l'Insee, ces familles sont souvent dans une situation moins favorable sur le marché du travail et leurs revenus d'activité souvent plus faibles que ceux des couples avec enfants. Les mères de famille monoparentale occupent moins souvent un emploi que les mères de famille en couple (68% contre 72%). Même constat du côté des hommes, avec 20% de pères seuls sans emploi contre 12% chez les pères en couple. Pour les femmes, serait-ce un dur tribu des libertés conquises ? Leurs trajectoires d’après divorce deviennent des parcours de la combattante dès qu’elles doivent élever un enfant, travailler et assurer l’ensemble des tâches ménagères. En jonglant avec les horaires, elles se retrouvent en permanence sur le fil, et, faute de revenus suffisant pour employer une aide, elles doivent compter sur l’aide de leur mère pour s’en sortir.
Des inégalités démultipliées
La famille monoparentale démultiplie les inégalités. Pour celles qui ont des revenus suffisant, elle peut être un choix de vie. Mais pour celles ou la mère est plus âgée, moins diplômée, elle devient un facteur de dépendance et de précarité. L’Etat providence oublierait-il des centaines de milliers de mères et d’enfants ? Quel est le lien entre la pauvreté des enfants, l’échec scolaire, et les caractéristiques de la famille ? Alors que l'on évoque l'importance de réinventer le couple, peut-être faudrait –il redéfinir la notion de "chef de famille" et lui donner un statut comportant des devoirs, mais aussi des droits. Comment orienter la solidarité nationale vers les besoins non satisfaits, les injustices les plus criantes ? L’étude de l’INSEE démontre que l’allocation de parent isolé, les allocations familiales indifférenciées et les différentes aides sociales ne peuvent suffire quand les handicaps s’accumulent pour des parents solo. Près du tiers des parents isolés sont bénéficiaires de minima sociaux, principalement l'API (allocation parent isolé) pour 174.000, le RMI pour 250.000 d'entre eux. Et ce dernier chiffre était par exemple en hausse de 56,4%, entre 1994 et 2004. Quand le nombre total de ménages au RMI progressait dans le même temps de 32,9%.
Quels soutiens ?
Si l’on considère que la filiation est bien le pilier de l’institution familiale, Il faudrait qu’une nouvelle étude précise sur les conditions de vie des familles monoparentales identifie les besoins les plus urgents et ouvre la boite aux idées. Au niveau de l’Etat des collectivités locales et des régimes paritaires, une réflexion sur le financement de mesures doi s’engager et être poursuivie au niveau européen. S’il est difficile pour l’Etat d’avancer une pension alimentaire non payée, et de poursuive ensuite le débiteur, pourquoi ne pas redéfinir les règles d’attribution des allocations familiales ? Une société moderne ne peut tolérer que des foyers soient ainsi exposés à l’échec, et leurs enfants avec. Nous avons besoin d’une démarche singulière pour des parents singuliers.
6 juin 2008
Auteur de Oh mamie boom (Jacob-Duvernet ,2007) et Ces jolies filles de mai, 68 la révolution des femmes (Jacob-Duvernet, 2008)
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