Interview de Sylvie Gonzalez-Runco, auteur du roman "Petite mort"
Votre roman, "Petite mort", sorti fin 2005, raconte la séparation de Marie et Pierre. Il l’a quitte, elle se retrouve seule avec son cœur brisé dont elle doit recoller les morceaux. Est-ce une pure fiction ou ce roman est-il largement inspiré de votre vécu ?
Il y a toujours une part de soi dans les histoires que l’on raconte. Comme nous tous, j’ai connu la déception amoureuse mais jamais au point de me sentir détruite comme mon personnage. Ce qui m’a toujours fascinée dans le domaine amoureux c’est que l’on donne à la personne aimée un pouvoir extraordinaire à la fois positif (se sentir aimé donne des ailes) mais aussi « dangereux » (le pouvoir d’altérer l’image de notre personne lorsque cela tourne mal).
Il s’agit de votre premier roman il me semble. Qui êtes-vous, Sylvie Gonzalez-Runco ?
Une amoureuse des livres depuis toujours. Un livre c’est une invitation au rêve, une aventure fabuleuse, une rencontre. Déjà enfant je m’endormais le soir en me racontant des histoires que je créais avec trois mots que je choisissais au hasard. Ensuite j’ai commencé à écrire, puis c’est devenu une absolue nécessité. En dehors de l’écriture je suis une Maman heureuse de deux enfants formidables. Je travaille, je fais du sport et j’ai la chance de vivre sur la Côte d’Azur qui est pour moi la plus belle région de France !
La séparation, si douloureuse, comme l’ont connue beaucoup de parents solos, est ici abordée de façon très réaliste : pour une fois, on n’est pas du tout dans le schéma « Bridget Jones ». C’était délibérément un choix de votre part ?
J’ai beaucoup aimé « Bridget Jones » et c’est justement son côté caricatural qui en a fait son succès.
De mon côté, j’ai créé mon personnage sans trop réfléchir à cet aspect-là. Je voulais juste que Marie soit une femme moderne, touchante, presque pathétique, avec cette dose d’humour et d’auto dérision qui va lui permettre sans doute de s’en sortir. Si vous avez trouvé le personnage réaliste, c’est que j’ai gagné mon pari.
Quelle a été votre motivation de départ pour vous lancer dans l’écriture de ce livre ? Aviez-vous un message à faire passer aux femmes…ou aux hommes d’ailleurs ?
L’idée du livre m’est venue en écoutant « I will survive » de Gloria Gaynor.
En écoutant attentivement les paroles, je me suis dit : voilà l’histoire d’une femme détruite par un chagrin d’amour qui a su s’en sortir, se reconstruire, et surtout au final devenir plus forte. L’épreuve peut être très formatrice et réveiller en chacun de nous un côté combatif peut-être insoupçonné.
J’ai voulu donc raconter avec mes mots la manière dont une personne qui se sent comme « morte » de l’intérieur après une déception amoureuse (d’où le titre « Petite Mort ») peut se battre pour simplement se sentir de nouveau « vivante ». Etre capable encore d’envisager la possibilité du bonheur sans l’autre et assumer une vie en solo non plus comme une croix à porter mais comme une chance de se reconstruire, ne plus dépendre d’un autre être pour être heureux. Comme je dis toujours : l’amour doit être une cerise sur le gâteau de la vie. Mais même sans cerise, le gâteau doit être bon !
J’espère aussi effectivement que ce livre touche autant les hommes. Certains m’ont écrit pour me demander pourquoi j’avais choisi un personnage féminin. La raison est simple : c’était plus facile. Pour autant tout ce qui est dit s’applique aussi aux hommes. La douleur n’a pas de sexe, pas plus que la trahison.
« Je ne voudrais pas que l’on se fâche. Tu comptes énormément pour moi. (…) Tu resteras toujours quelqu’un d’important pour moi, Marie. (…) Je t’aime Marie, tu sais bien que je t’aime, mais… ». Nombre de personnes quittées ont entendu ces paroles dans la bouche de l’autre. C’est quoi ce fameux « mais » ?
Ce « mais » est un « mot-boîte » dans lequel on peut tout mettre et rien mettre lorsque l’on n’a pas d’arguments. Aussi, le silence suivant le « mais » exprime toute la culpabilité sans doute que l’on ressent quand on quitte quelqu’un et que l’on sait qu’on lui fait mal. A moins d’être totalement immature ou irrespectueux, on se doute bien qu’on va blesser en rejetant l’amour d’un être. La question que l’on peut se poser est : faut-il expliquer clairement à quelqu’un pourquoi on le quitte ou bien faut-il se réfugier dans des non-dits tout aussi vexants ? Chacun choisit son camp. Pierre, le personnage masculin de mon livre, a fait le sien.
Les amies qui disent « Finalement, il t’a rendu service, parce qu’il était nul, vraiment nul. Tu n’aurais jamais pu compter sur lui dans les moments difficiles, crois moi. C’est le genre de mec qui ne vit que pour sa petite personne, ses petites envies, ses projets. Et si tu contraries ses plans un tout petit peu, il te jette. », est-ce que ça aide à surmonter la séparation, à faire disparaître ces sentiments d’amour ?
Je pense que lorsque l’on aime sincèrement et profondément l’avis des proches n’a pas un impact très important. On est trop absorbé par cet amour pour donner un crédit immédiat à ces paroles. En revanche, je suis persuadée que malgré tout, ces mots restent imprimés dans notre esprit. Et lorsqu’on a pris un recul suffisant, il est probable que cela nous aide.
Surmonter une séparation, c’est accepter de se remettre en question, mais aussi accepter de remettre en question l’autre. L’influence de l’entourage est primordiale car cela nous rappelle que nous méritons d’être heureux
Vous évoquez cette nouvelle vie de solitude que Marie doit affronter, en redoutant dorénavant les vendredis, qui la ramèneront à cette solitude durant le week-end entier. Les relations sociales par internet, comme sur le forum de www.parent-solo.fr vous semblent-elles un palliatif à cette solitude ?
Absolument. Nous vivons dans une société de communication mais nous ne connaissons pas nos voisins de palier. Beaucoup de gens vivent dans une totale solitude et il est de plus en plus difficile de se rencontrer. Les sites internet tels que le vôtre permettent à des personnes ayant le même vécu d’échanger leurs opinions, leurs expériences. Cela peut être d’un très grand réconfort. Au-delà des échanges, il y aussi tout cet aspect d’informations pratiques qui facilite la vie.
« Je me découvre hantée par l’inquiétude de tomber dans la médiocrité et celle du laisser-aller » : voulez vous dire que lorsqu’on est quitté (e), c’est qu’on n’était pas à la hauteur, on se dévalorise, on se culpabilise, ou alors, c’est qu’on faisait peur à l’autre ?
Lorsque l’on est quitté l’image que l’on a de soi souffre atrocement.
On se demande systématiquement pourquoi la personne que l’on aime a décidé de retirer cet amour. C’est insupportable. Aussi, on a tendance à se déprécier, à s’estimer « trop » comme ci, ou « pas assez » comme ça.
Alors c’est la porte ouverte au laisser-aller : on peut grignoter toute la journée, ne plus avoir envie de prendre soin de soi, ruminer dans son canapé.
Fort heureusement le temps est un allié précieux qui va nous aider à surmonter l’épreuve.
Tôt ou tard, la vie reprend ses droits.
« Il vaut mieux parfois incarner la femme de passage qu’on n’oubliera jamais plutôt que la soi-disant « femme de sa vie » auprès de laquelle on finira par s’ennuyer un jour. ». Ce n’est pas très gratifiant pour les couples qui ont l’air d’être « le couple idéal » ?!
Le « couple idéal », est-ce que ça existe ? Je n’y crois pas une seconde.
Il y a des hauts, des bas, on apprend ensemble à les gérer.
Etre une « femme de passage » qu’on n’oublie pas représente le schéma idéal pour une personne passionnée ne souhaitant pas s’investir dans une relation. C’est ainsi que se définit Jenny, l’amie de Marie.
Par contre, quand on a envie de vivre une relation durable, la notion de « femme de passage » n’a plus aucun charme.
Quelque part, la séparation est assimilée à une trahison de l’autre : « Quand tu me disais combien c’était bon quand on faisait l’amour j’aurais dû comprendre que tu étais juste heureux de prendre ton pied. (…) Alors, j’étais quoi moi au juste? Une simple main d’œuvre pour tes essais ?». La trahison, l’humiliation, l’impression d’avoir été manipulé (e) sont récurrents. Comment ces sentiments finissent par se retourner ?
Ces sentiments sont inévitables.
Quand on traverse une période de « détresse amoureuse », tout le négatif prévaut et fait la part belle à la colère, la peine, le ressentiment, la révolte.
Puis vient l’apaisement. Quand on arrive à porter un regard bienveillant sur soi, sur la vie, et s’ouvrir de nouveau aux autres, on se délivre de ces sentiments.
Par contre, la manière dont on y arrive dépend de chacun. Il n’y a pas malheureusement de recette miracle.
« Finalement, tu ne m’encourageais pas : tu m’enfonçais Pierre, avec ta suffisance sportive. (…) J’ai décidé subitement qu’il était temps que je prouve à toi et au monde entier que je n’étais pas une pauvre chose incapable de relever des défis » : le retournement est là. A ce moment, peut-on dire que le deuil de la séparation est fait ?
A partir du moment où l’on retrouve l’estime de soi, le travail du deuil de la séparation est bien entamé. Il parvient à son terme lorsque tous les sentiments négatifs se sont éclipsés et que l’on arrive à prendre de la distance par rapport à son vécu.
Vous a-t-on déjà dit : « C’est incroyable, c’est mon histoire, ce sont mes sentiments : j’aurais pu écrire ce livre ! » ?
Oui, c’est vrai.
Beaucoup de gens se sont identifiés à mon personnage, sans doute parce que le chagrin d’amour est un sentiment universel.
Je suis touchée de lire les commentaires des lecteurs et je suis très sensible à leurs avis.
Pour moi l’écriture ne tire sa justification que lorsque l’on parvient à toucher les gens, les faire vibrer.
Réussir à émouvoir, faire sourire, apporter du réconfort : voilà ma plus grande ambition en tant qu’auteur.
Voir le livre :
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