Les aides publiques pour la garde des enfants sont mal utilisées, selon la Cour des Comptes
La Cour des comptes critique la politique française : les aides à la garde des jeunes enfants sont jugées "décevantes", au regard du budget consacré. Dans Le Monde, Anne Chemin relate cette observation de la Cour des Comptes : "Face à l'augmentation de la demande due à la natalité, à celle du nombre de couples bi-actifs et à celle du nombre de familles monoparentales, la forte diminution de la garde en jardin d'enfants et surtout en maternelle n'a pas été compensée par un accroissement suffisant de l'accueil par les autres modes de garde", regrette la Cour des comptes.
La politique d'aide à la garde d'enfants mobilise des sommes considérables : en 2007, la branche famille lui a consacré 13 milliards d'euros, dont l'essentiel était constitué par la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) créée en 2004. La PAJE aide les parents à payer une place de crèche, une assistante maternelle ou une "nounou" à domicile, mais elle permet également de financer les congés parentaux : depuis 1985, les parents qui interrompent leur activité professionnelle - des femmes dans 98 % des cas - touchent une prestation de 530 euros pendant une durée maximale de trois ans.
Cette politique exige des efforts financiers importants : de 2003 à 2007, le montant des prestations "petite enfance" est passé de 8,1 à 10,4 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de près de 30 %. Dans son rapport sur la Sécurité sociale, la Cour des comptes constate cependant que les résultats ne sont pas au rendez-vous : le nombre de crèches - le seul mode de garde payant réellement accessible aux classes populaires - progresse très peu et les congés parentaux finissent par exclure les femmes les plus vulnérables du marché du travail.
Politique du libre choix
Bien que la crèche constitue le mode de garde plébiscité par les parents, le nombre de places d'accueil collectif a ainsi progressé, de 2000 à 2007, de moins de 2 % par an, "à peine le taux d'augmentation de la natalité", note la Cour des comptes. Au même moment, la préscolarisation des deux-trois ans régressait, ce qui laissait sans solution plus de 60 000 enfants. La politique française du "libre choix", qui vise à permettre aux parents d'arbitrer sereinement entre leur travail et leur famille, se heurte donc, conclut la Cour, à l'"insuffisance de l'offre de garde".
Le bilan des congés parentaux, dont le nombre a augmenté de 14 % de 2003 à 2006, n'est guère plus satisfaisant. En raison de la faiblesse des 530 euros de la prestation, ce système séduit surtout des femmes peu qualifiées issues de milieux défavorisés : plus de la moitié des 580 000 bénéficiaires sont des ouvrières, des employées intermédiaires ou des employées. Confrontées à l'absence de places en crèches, ces femmes qui ne peuvent se permettre d'employer une assistante maternelle renoncent à travailler.
Pour beaucoup d'entre elles, ce choix se fait à contre-coeur : si certaines profitent pleinement des premières années de leur enfant, 40 % déclarent qu'elles auraient en fait préféré travailler. "Le congé parental à taux plein est un choix souvent contraint", résume la Cour des comptes. Pour "éviter l'éloignement durable des mères du marché du travail", elle plaide donc pour une réforme du congé parental. "Ces mesures prendraient tout leur sens si elles se couplaient à une plus grande facilité pour les familles les moins aisées de disposer d'une offre de garde disponible à un coût abordable."
Ces conclusions rejoignent celles de la députée Michèle Tabarot, qui a remis à François Fillon, en juillet, un rapport sur la petite enfance. "Le constat de la Cour des comptes doit agir comme un électrochoc, souligne-t-elle. La France est l'un des pays de l'OCDE qui consacre le plus de moyens à sa politique familiale et les résultats sont décevants au regard de l'effort financier consenti." Mme Tabarot plaide, elle aussi, en faveur d'un congé parental "plus court, mieux rémunéré et partagé entre les deux parents". Elle invite le gouvernement, qui doit créer plus de 300 000 places d'accueil d'ici 2012, s'il veut mettre en place le droit opposable à la garde d'enfants, à privilégier le développement des services - crèches, haltes-garderies et jardins d'éveil - au versement de prestations.
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